MENE HAFARA GHAR LI AKHIHI SAKATA FIH
Il était une fois un jeune garçon orphelin qui
vivait seul avec sa mère. Cette dernière élevait des brebis et des chèvres dont
elle récupérait le lait tous les jours que Dieu fait et le donnait à son fils qui
allait le vendre dans le village où ils habitaient. Le jeune garçon allait de
quartier en quartier en criant : « Du lait, du lait ! ». Ce
jour-là, il ne put vendre son lait. Presque toute la quantité de lait lui était
restée et il avait peur de perdre son revenu qu’il ramenait toujours à sa mère.
Il eut une idée judicieuse en criant : « El Halib wa Essalate
3ala Ennabi Elhabib » (du lait et la prière sur notre amour de prophète).
Il déambulait dans les ruelles du village et ne savait pas qu’il était sous les
fenêtres du sultan qui l’avait entendu. Ce dernier dépêcha son ministre pour
quérir ce jeune qui disait du bien du prophète. Ce fut fait et lorsque le jeune
garçon fut devant le sultan, il lui dit qu’il n’avait pas pu vendre tout son
lait aujourd’hui et que sa mère et lui ne pourraient pas manger car c’était
leur seul moyen de subsistance. Pris de compassion, le sultan lui acheta tout
son lait et le pria de lui en ramener toute la quantité tous les jours. Le
jeune garçon dit au sultan, mais ! Monseigneur, j’ai des clients qui
m’attendent tous les jours, je ne peux pas vous ramener tout le lait !
Dites-moi combien de litres je vous ramènerais et je le ferais avec plaisir. Le
sultan sut qu’il était en face d’un jeune homme bien éduqué et qui savait faire
la part des choses. Il lui demanda de lui ramener 4 litres de lait chaque jour
et le garçon acquiesça.
Dans l’esprit du Sultan, ce n’était pas le lait qui
l’intéressait mais plutôt l’intelligence du jeune garçon. A chaque fois qu’il
lui ramenait le lait, il devisait avec le garçon et lui demandait conseil sur
tel ou tel sujet. C’était devenu une habitude que de discuter avec le jeune
garçon qui avait une intelligence supérieure à la normale.
Le ministre du sultan, voyant qu’il allait perdre sa
place de conseiller auprès du sultan va essayer de manigancer une histoire pour
éloigner le jeune garçon du sultan et pouvoir ainsi reprendre ses prérogatives
auprès du sultan.
A l’arrivée du jeune garçon dans le palais, il le
prit à part et lui dit : « Viens mon ami, je vais te dire une chose
que m’a confiée le sultan. Ce dernier m’a dit que tu avais une mauvaise haleine
et moi, je te conseille de mettre une muselière pour éviter d’incommoder le
sultan. Le jeune garçon ne se le fit pas répéter deux fois et ne voulant pas
incommoder le sultan qui l’aimait prit soin de suivre les conseils du ministre.
Le sultan était devenu perplexe. A chaque fois qu’il recevait le jeune garçon,
il le trouvait affublé d’une muselière et ne disait mot. Il en fit part au
ministre qui lui dit : « Mes respects votre altesse mais le jeune
homme m’a dit que le sultan avait une mauvaise haleine et qu’il avait mis cette
muselière pour ne pas être incommodé par celle-ci. Le sultan pris de rage,
allait donner un ordre à sa garde royale d’éliminer ce jeune garçon qui s’est
donné l’indélicatesse de juger son sultan. Auparavant, le sultan avait enjoint
à sa garde rapprochée qu’ils devaient tuer tout un chacun qui sortait du palais
avec une rose rouge à la main. Le sultan prit soin d’offrir, ce jour-là, une
rose rouge au jeune garçon. En sortant du palais, le jeune garçon fut
intercepté par le ministre qui s’est dit comment se fait-il que moi qui suis au
service de sa majesté depuis des lustres, je n’ai pas eu l’insigne honneur de
recevoir une rose de la part du sultan et voilà que ce jeune va-nu-pieds vient
de l’avoir. Il prit la rose et renvoya le jeune garçon à ses quartiers. Le
garçon s’en alla, un peu déçu du comportement du ministre. Ce dernier sortit en
déambulant, la rose à la main, pensant que c’était un privilège qu’accordait le
sultan à ses sujets, fut intercepté par la garde royale à un coin de rue et fut
tué sur le coup.
La morale de ce conte est : « celui
qui creusera un trou pour son prochain, lui-même y
tombera »
Mohamed Boudia
BENT EL KHASS
Un jeune prince et un pauvre homme se
sont rencontrés au souk hebdomadaire de la région. Ils sortirent ensemble du
marché et au bout d’un moment, le jeune prince demanda au vieux !
-
Mon père !
Il serait souhaitable que tu reviennes à l’intérieur du souk pour nous ramener
2 sensibles et légères (zoudj l’taf wa
khfaf). Le vieux monsieur ne comprit rien à la demande du prince. Il se tut et
ne dit rien. Ils continuèrent leur chemin vers la demeure du vieux monsieur.
Après quelques minutes, ils arrivèrent devant un cimetière. Le jeune dit alors
au vieux monsieur :
-
Ah ! Mon
Dieu ! Parmi les résidents de ce cimetière, certains sont morts et
d’autres sont vivants !
Le vieux ne comprit
toujours rien aux devinettes du prince. Il se renfrogna et ne dit mot.
Ils continuèrent leur
bout de chemin et le jeune dit au vieux monsieur :
-
Ecoutes, mon
ami ! Toi un et moi-même un peu, alors on pourra raccourcir le
chemin !
Le vieux resta
perplexe, ne sachant que répondre aux boutades du jeune prince. Ils
continuèrent ainsi, sans échanger aucune parole. Au bout d’un instant, ils
arrivèrent devant un champ de blé dont les épis ondulaient dans l’air de
l’après-midi. Le jeune homme dit à l’encontre du vieux monsieur :
-
Ah ! Quelle
belle récolte cette année ! Il y a certains qui pourront la manger et
d’autres n’y gouteront même pas !
Ils continuèrent leur
bonhomme de chemin sans échanger, toujours aucun mot.
Dans le temps, les gens
cuisaient eux-mêmes leur pain, dans des fours traditionnels (kouchas) et c’est
de la bouffe pure et bio. Dès la prière du 3asr terminée, les femmes allument
leurs kouchas et commencent à enfourner leurs galettes de pains. L’odeur qui
s’en dégage vous chatouille les narines et vous avez subitement l’envie d’en
manger sans accompagnement d’autres mets.
Le jeune homme et le
vieux arrivèrent en vue d’une maison. En face d’elle, une femme et sa fille,
commençaient à cuire leur pain.
Lorsqu’ils furent à
proximité de la demeure du vieux, le jeune homme regarda vers cette dernière.
La fille, voyant son père venir, lui sourit à belles dents. La fille avait une
dent en moins et cela se voyait bien lorsqu’elle souriait.
Alors, le jeune homme
dit :
-
Ah ! Mon
ami ! Quelle belle demeure si ce n’est son mur fendu ou lézardé.
Arrivé chez lui, le
vieil homme invita son compagnon de route à boire un café chez lui. Ils burent
leur café et discutèrent quelque peu pendant qu’ils sirotaient leur café.
Dans le temps, les gens
étaient très hospitaliers. Surtout les arabes, l’invitation allait jusqu’à
trois jours consécutifs et on tuait le mouton pour l’invité.
Le vieil homme partit à
la grange où étaient parqués les moutons, en prit un et l’égorgea. Il demanda
au jeune homme de l’aider à dépecer le mouton. Il lui demanda ensuite de
découper le mouton pour le dîner.
Le jeune commença par
prendre les yeux et le foie qu’il mit de
côté, il mit aussi le cœur et les pattes à la même place, les abats et la tête
ensemble.
Le vieil homme lui fit remarquer qu’il
ne fallait pas faire comme cela, nous n’avons pas l’habitude de faire ce que tu
fais.
Il s’en alla vers la cuisine pour
remettre la viande à cuire et dit à sa femme :
-
Je suis
perplexe ! Je sens que je vais devenir fou avec ce jeune homme, je ne le
comprends pas. Il a de ces manières que je n’arrive pas à cerner.
Sa fille avait tout entendu. Elle
demanda à son père de lui raconter tout ce que lui a dit le jeune homme depuis
qu’il l’a connu au souk hebdomadaire.
-
Père !
Maintenant tu dois me dire tout ce que t’a dit le jeune invité depuis que vous
êtes sortis du marché.
-
Oui, ma
fille ! Je suis intrigué par son comportement et je n’ai su que lui
répondre ! Dès que nous sommes sortis du souk, il m’a demandé de lui
ramener « zoudj l’taf wa khfef », je n’ai rien compris à sa demande.
-
Mais, père !
Cela veut dire qu’il t’avait demandé de revenir acheter deux espadrilles faites
en tissu et en filasse.
J’en conviens ! Et
lorsque nous sommes arrivés devant le cimetière : « il m’avait dit
que parmi les habitants du cimetière, il y avait des morts et des vivants, tu
ne crois pas qu’il est un peu simplet ?
-
Non, père !
Il a raison, ceux qui ne sont pas morts, c’est ceux qui ont laissé derrière eux
une histoire, un digne fils, du bien, toutes ces actions le laisseront dans la
mémoire de la population et on pourra toujours se remémorer son nom et alors,
dans ce contexte, il n’est point mort car il a laissé quelque chose pour qu’on puisse
s’en souvenir et prier pour lui. Puis ceux qui n’ont rien fait ou laissé
derrière eux, personne ne s’en souviendra et ils sont effectivement morts pour
de bon.
-
Tu es
intelligente, ma fille ! Cela ne m’a nullement effleuré l’esprit. Il reste
deux autres questions auxquelles je n’ai pu répondre, veux-tu m’en donner
l’explication ?
Il m’a dit textuellement :
« Toi un peu et moi un peu et on pourra arriver »
-
Mais bien sûr
père, il est très intelligent ce jeune homme. Cela veut dire qu’il fallait
entamer la conversation et le chemin vous aurait paru peu long.
-
Et pour le champ
de blé. Il m’avait dit : « à savoir si son propriétaire pourra
le manger ou non »
-
Mais, sûr,
père ! Il y a des gens qui s’éreintent à labourer, à semer, à désherber et
à la fin, ils n’en mangeront point car ils seront morts avant la récolte.
-
Ma fille,
lorsque nous sommes arrivés devant chez nous, il m’a dit : « Quelle
belle demeure si ce n’était son mur fissuré.
La fille comprit
l’intention du jeune homme mais n’en dit rien à son père.
Le père continua à
narrer à sa fille ce qu’il vit lorsqu’il demanda au jeune homme de l’aider à
dépecer le mouton et à le couper en tranches pour les besoins du diner, il
dit :
-
Il a mis les
yeux avec le foie, le cœur avec les pattes, la tête avec l’estomac, qu’en
penses-tu ?
-
Mais père, c’est
un érudit ! En effet, chez nous les arabes, on dit que le foie pleure
avant l’œil et que les pieds (pattes) vont où veut le cœur et lorsque l’estomac
est rempli, la tête commence à chanter.
Le vieil homme essaya
de faire comprendre à son hôte qu’il avait deviné les énigmes qu’il lui avait
posées. Le jeune homme dit :
-
Non, ce n’est
point ton imagination mais tu as entendu cela de quelqu’un d’autre.
-
Oui, c’est ma
fille qui me l’a expliqué.
Le jeune homme tout effervescent, dit au
vieil homme, alors elle sera ma femme, inchaa Allah.
Il repartit en direction du château de ses parents et
alla directement vers sa mère pour la prier d’aller lui demander la main de la
fille d’El Khass. Il lui expliqua qu’ils étaient pauvres mais que la fille
était belle et en même temps érudite. Son père refusa, car c’était le sultan.
Il ne pouvait pas comprendre son fils et en plus c’était des gens très pauvres
et qui n’étaient pas de leur trempe ou de leur rang social.
Le jeune prince, un peu touché dans son
amour-propre, quitta la demeure familiale. Sa mère insista tellement auprès du
Sultan que ce dernier accepta d’aller demander la fille d’El Khass pour son
fils.
Le sultan ramena toute la famille chez
lui au château et les festivités donnèrent le plein pendant plus d’une semaine.
La nuit de noces, le prince entra dans sa chambre et trouva la jeune Bent El
Khass dans son apparat de jeune mariée et lui dit :
-
Je ne sais à qui
appartient cette tête, en visant la tête de Bent El Khass.
-
Hier, c’était ma
tête, mais aujourd’hui, c’est ta tête et la mienne en même temps.
-
Il répondit en
souriant : « Tu es vraiment la femme de ma vie et je te vouerais
toujours tout le respect que doit un mari à son épouse.
Ils vécurent heureux et
eurent beaucoup d’enfants qui ont empli leur foyer de joie et de gaité.
Mohamed Boudia
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